mercredi 15 juillet 2009

Bureau


Chez nous les bureaux sont anonymes. Biscornus mais anonymes. Il m'a fallu quelques jours quand je suis arrivée pour saisir le système de demi étages qui relient les deux bâtiments. Encore aujourd'hui, j'hésite toujours quand je dois aller à la compta. C'est deux et demi ou un et demi ?

Mais cette bizarrerie architecturale plutôt cinématographique mise à part, nos bureaux sont tout ce qu'il y a de plus interchangeables. Moins anonymes qu'une tour à la défense ou à Clichy. Mais quand même très très loin d'un bureau d'archi ou d'une rédaction bourdonnante.

Moquette mouchetée bien rase étoilée de quelques rares taches de café, lino dans l'escalier. Murs blancs. PC tous identiques, chaises à roulette, halogènes et bureaux noirs ou marrons. La boite a connu plusieurs vies alors le mobilier aussi. Mais on essaie de garder une certaine harmonie dans chaque bureau fermé par une porte pleine.
Chez moi, on a récupéré deux immenses bureaux façon bois massif assortis que Derrick aurait sûrement jugés un peu clinquants. Massifs mais solides. Et immenses.

Par temps de canicule, les toilettes sont la pièce la plus agréable de l'étage.
Au milieu on a une grande table où on déjeune souvent.
Quand quelqu'un ferme sa porte, on s'inquiète.

Dans mon dos, un panneau que je ne regarde jamais. C'est mon monde. Dont profite surtout ma voisine. Pas de dessins des enfants ni de plannings ni de liste de numéros de téléphone, j'ai punaisé ce qui me tombait sous la main : un dessin de Soledad, une photo de Philippe Manoeuvre qui dit "le rockeur ne prend pas de pincettes", un sac Monop, un horoscope extraordinaire dont j'attends toujours la réalisation... Et les trois fondements du système qualité. Et mon diplôme de formation incendie. Johnny, tu peux venir allumer le feu, je suis là. Avec mon extincteur.
Un pêle mêle bien rangé comme j'en sème partout - à la maison aussi. Même dans mon téléphone. Accumulations de traces de vie. De notes. D'idées sans queue ni tête.

Et sur le bureau, un nounours de Mécénat. Et des feutres de toutes les couleurs. Et des piles de papier brouillon, et des dossiers à peu près à jour. Et des tatouages de Malabar, un Elle retourné, et mon agenda. Et mon iPhone.
Je sédimente, j'accumule et puis un jour, je vide tout.
Dehors, la fanfare.

Il y a des gens qui n'investissent pas leurs bureaux. Qui ont une vie qu'ils n'étalent pas entre 9 heures et 19 heures. Une photo des enfants à droite, des bic crystal non mangés au bout, une agrafeuse qui marche. Ou bien une montagne de papiers et des photos de voyages lointains en noir et blancs au mur. Insoupçonnables.

Moi, je peux pas. C'est comme partout, je déborde, je recouvre et je range en piles que je contemple avec une immense satisfaction avant de tout changer.
Je suis comme les mannequins toujours à l'hôtel qui voyagent avec leur bougie parfumée et leurs draps pour se sentir chez eux. Je suis comme elles : une globe trotteuse perpétuellement homesick.

Et vous, il est comment votre bureau ?

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