dimanche 18 octobre 2015

Comme un roc

National Geographic Fund. Bruce Dale


Elle en parle avec tendresse et fierté infinies. Un peu effarée aussi, surprise, épatée d'avoir fait ça. Elle dit "ça" parce qu'elle les a vus tout petits, innocents et accrochés à ses flancs, elle a cru qu'ils resteraient comme ça à tout jamais. Des mini d'elles, elle devant et eux derrière, comme une poule et ses poussins, étendant ses ailes protectrice et nouant leur écharpe sous leur cou.

Et puis, d'abord indiciblement, puis tout à coup spectaculairement elle les a vus grandir de partout, se découvrir un appétit d'ogre, des manières de jeunes tigres affamés qui viennent étancher leurs envies de gras, de lourd, de protéine à toute heure du jour et de la nuit.

Tout d'un coup elle n'a plus su par quel bout les prendre. Trop grands, trop forts, et explosant de vie.

(la suite après le saut)




Des années après, elle n'en revient toujours pas. Raconte les placards pleins comme des oeufs à 17 heures et déjà beaucoup plus vides en un clin d'oeil. Les 3 restes sauvés rangés amoureusement dans un tupperware  au frigo le soir et le même tupperware posé en travers sur la table de la cuisine à 8 heures, vide et sale, le lendemain matin.
La salle de bain transformée en paysage apocalyptique deux fois par jour. Les montagnes de linge qui apparaissent tout à coup dans la lingerie, les t-shirts XXL, les chaussettes taille 47 et les doudounes qui s'écrasent dans le placard et étouffent ses manteaux à elle.

Les démonstrations d'affection qui la bousculent, les odeurs de mâle et les affaires de sport couvertes de boue. Les effluves de fille aussi parfois qui restent dans leur cou et qu'elle attrape sans le vouloir en les embrassant quand ils rentrent les joues fraiches et le verbe haut, de leurs journées dehors.

Elle a mille anecdotes à raconter à ses copines qui ont encore de petits garçons, les projetant dans un avenir qui les fascinent et les terrifient.

Elle leur dit qu'elle est parfois submergée par leur appétit de vivre, leurs moments de désespoir aussi lourds que leurs explosions de joie sont éclatantes.
Elle se sent comme une femme de marin, plantée sur le quai, aussi prête à les accueillir qu'à leur souhaiter un bon voyage.
Elle râle, mais elle en savoure chaque seconde.

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